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Infrastructure, énergie et matériauxJune 8, 2021

Oui, la redirection écologique de l’industrie est possible !

L’industrie a souvent été catégorisée comme grand pollueur. Un changement est possible, à condition d’une redirection écologique.
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Avatar Arnaud Marec

Pendant des années, on a qualifié l’industrie selon ses spécificités : lourde ou légère, sidérurgique ou extractive… C’était une époque où la part de l’industrie dans l’économie nationale était encore importante (21% en 1990). Un temps où la perception du secteur correspondait toujours à la définition du dictionnaire de Trévoux en 1743 : « dextérité, invention, adresse ». Puis a lieu un véritable glissement.

La place de l’industrie dans la société française a profondément évolué. Elle a d’abord subi un glissement économique avec une part dans le PIB tombée à 10% en 2019 et près de 1,6 millions d’emplois disparus en 30 ans. Glissement sémantique ensuite : l’industrie est devenue « propre » ou « sale » de manière très subjective, dans un environnement où certains dirigeants commençaient même à théoriser « l’industrie sans usines ».

L’usine, devenue en quelques années ce lieu que l’on ne voulait plus voir. Lieu de pollution lorsqu’elle fonctionne, friche gênante en fin de vie, elle est aussi devenue le symbole de ces lieux « d’aliénation » des travailleurs dans un monde en tertiarisation semblant ouvrir des possibilités de développement personnel bien plus gratifiantes. Pourtant, connaître la réalité des usines du 21ème siècle, c’est réaliser à quel point elles sont loin de l’image d’Épinal que trop de décideurs – notamment politiques – peuvent en avoir.

L’usine du 21ème siècle, comme nous l’a rappelé la crise sanitaire, c’est le lieu d’une certaine forme d’indépendance et de résilience. Un lieu d’avenir, en prise directe avec le défi de la transition écologique. L’objet de l’industrie, c’est celui de transformer la matière. Or, d’un point de vue physique, ce qui permet de réaliser cette transformation, c’est l’énergie. Industrie et énergie sont donc intrinsèquement reliées ! Une réalité qui éclaire d’un œil neuf la place de l’industrie dans le défi de la transition écologique : le premier rang !

Depuis plus d’un siècle, l’utilisation massive des sources fossiles d’énergie a permis l’accroissement sans précédent des richesses de l’humanité. La désindustrialisation de certains pays occidentaux cache l’essor de l’industrie dans d’autres zones géographiques. La tertiarisation des pays occidentaux n’a pu avoir lieu que sur le socle de l’accroissement du parc d’industries dans d’autres zones de la planète.

En 2019, avant l’impact de la COVID-19 sur les économies mondiales, jamais le système économique n’avait consommé autant d’énergie, notamment fossiles. Jamais le système économique n’avait donc autant transformé le monde via son bras armé : l’industrie.

Pourtant, depuis les années 1970 et le rapport Meadows, nous savons que la dépendance de notre système socio-économique aux énergies fossiles a des conséquences majeures sur notre planète : nous dépassons, collectivement, les limites « biologiques » de notre monde qui perd donc, années après années, une partie de ses capacités à absorber nos impacts – risquant d’empêcher les générations futures d’assurer leur propre développement. Le changement climatique en est sans doute l’illustration la plus frappante. La responsabilité écrasante des activités humaines sur le phénomène est souvent pointée du doigt. Désormais, tout paraît clair : des engagements mondiaux chiffrés ont été pris. Des trajectoires de réduction des émissions – secteur d’activité par secteur d’activité – ont été scientifiquement calculées. Elle ouvrent la voie à cette fameuse transition que tout le monde semble appeler de ses vœux.

Et si c’était le concept même de transition qui empêchait tout ou une partie du mouvement nécessaire ?

En effet, le changement de trajectoire qu’il est impératif d’impulser avant 2050 pour endiguer le réchauffement climatique nécessite bien plus qu’une transition : c’est une véritable redirection écologique de nos économies, de nos processus, de nos modes de fonctionnement et nos modes de vie qu’il faut envisager.

5 ou 6% de baisse des émissions de CO2 par an entre 2020 et 2050 : c’est l’objectif à atteindre pour tenir les engagements pris via l’Accord de Paris. 5 à 6% : soit l’équivalent des conséquences d’une pandémie de COVID tous les ans sur nos économies. 10 tonnes d’émissions en moins par français entre 2020 et 2050 : c’est l’ampleur de l’effort que doit consentir notre pays pour limiter le réchauffement à 2°C d’ici 2100.

https://twitter.com/Arnaud_Marec/status/529249444664197120

Au niveau de la consommation de ressources, les chiffres du « global circularity gap report » sont édifiants : sur les 100,6 Gt de ressources qui entrent dans notre système économique chaque année seules 8,6 Gt sont réellement recyclés et réinjectés dans le circuit. Cela signifie que chaque année, nous prélevons de l’ordre de 90 Gt de nouvelles ressources de notre environnement pour le bon fonctionnement de nos économies !

Ces chiffres paraissent colossaux, impossibles à atteindre. Pourtant, si nous ne prenons pas le chemin de cette redirection, les conséquences d’un changement climatique à +3, +4 ou +5°C le feront à notre place. Nous n’avons donc pas le choix : la transformation de notre modèle socio-économique est une nécessité vitale. Et l’industrie à un rôle majeur à jouer dans ce processus.

Oui, la redirection écologique sera difficile pour tous, individus et organisations collectives de toutes tailles. Elle va imposer des changements majeurs de modèles d’affaires, de modes de fonctionnement et d’habitudes bien ancrées. Elle induit des renoncements à des éléments que nous considérons aujourd’hui comme des acquis intangibles. Mais cette redirection nous offre l’opportunité de construire un nouveau modèle économique, ancré dans la réalité physique du monde et porteur de sens pour les individus que nous sommes. C’est, pour l’industrie, une chance rare de se réinventer autour de ces 3 piliers, « dextérité, invention, adresse » au cœur du développement des premières manufactures.

L’usine de 2050 sera sobre, locale et humaine. Elle produira peut-être moins mais certainement mieux. Elle aura intégré les enjeux de l’économie circulaire : réemploi, réparation, recyclage et revalorisation. Le prélèvement de ressources « neuves » deviendra l’exception. Et surtout, l’industrie contribuera à la fois à protéger l’humanité des conséquences d’un changement climatique qui adviendra quoi que nous fassions, mais aussi à forger un avenir positif pour les générations qui nous suivrons.

« Chaque dixième de degré compte » nous rappelle le GIEC. Alors à l’œuvre pour transformer l’industrie sur le chemin de la redirection écologique !

Une tribune d’Arnaud Marec, membre de l’agence de redirection écologique vingt et un vingt deux

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