Sidney Rostan a fondé Bioxegy en janvier 2018 avec l’ambition de faire du biomimétisme une réalité industrielle concrète. Aujourd’hui, cette start-up française de 28 collaborateurs s’impose comme l’acteur de référence du biomimétisme en France et développe sa réputation à l’international. Rencontre avec un entrepreneur visionnaire qui transforme les mystères de la nature en réalités industrielles grâce à la plate-forme 3DEXPERIENCE.

Pouvez-vous nous présenter Bioxegy et expliquer en quoi vous êtes pionnier dans le biomimétisme en France ?
Bioxegy figure aujourd’hui parmi les spécialistes internationaux du biomimétisme. Mon parcours professionnel a débuté dans l’automobile allemande, plus précisément dans les avant-projets et le développement de prototypes. C’est là que j’ai découvert le biomimétisme, que les Allemands appellent parfois “bionique”, notamment pour la robotique inspirée du vivant. Cette découverte a été une révélation. Au-delà de la fascination qu’exerce ce mélange singulier entre biologie et ingénierie, j’ai rapidement perçu l’opportunité industrielle considérable que représentait cette approche. Malgré des décennies de recherche fondamentale dans les sciences bio-inspirées – notamment menées par les grands centres américains comme Harvard, Stanford ou Caltech, et par le complexe militaro-industriel – force était de constater qu’il existait un fossé entre la recherche amont et les applications industrielles concrètes. C’est cette lacune qui a donné naissance à Bioxegy en janvier 2018 avec une vocation : créer un pont opérationnel entre la science bio-inspirée et les réalités industrielles, en proposant du biomimétisme concret, tangible et applicable en Europe.
Comment définiriez-vous le biomimétisme et pourquoi vous être engagé dans cette voie ?
Le biomimétisme consiste à s’inspirer de l’ingéniosité des mécanismes, fonctions et propriétés du vivant pour développer des technologies innovantes et durables. Ce qui m’a séduit, c’est cette combinaison unique entre l’émerveillement face à la sophistication de la nature et le pragmatisme industriel. La nature recèle une intelligence extraordinaire, fruit de millions d’années d’évolution et d’optimisation. Cependant, il ne suffit pas de proclamer que « la nature est bien faite ». Pour convaincre les industriels, il faut démontrer concrètement comment les mécanismes naturels peuvent résoudre leurs défis spécifiques. Quand un client a une problématique de dissipation thermique, nous devons lui expliquer précisément comment la nature gère cette fonction et quelles performances nous pouvons en tirer technologiquement.
Quels sont les projets les plus innovants que vous avez développés et dans quels secteurs voyez-vous le plus de potentiel ?
Historiquement, nous nous sommes particulièrement développés dans les secteurs de la mobilité – aéronautique, automobile et ferroviaire – car ces industries sont particulièrement innovantes et soumises à de fortes contraintes de décarbonation. Cette pression les pousse à repenser fondamentalement leurs systèmes : allègement, réduction de consommation, remplacement des matériaux pétro-sourcés… Je retiens un cas très particulier pour lequel nous avons pu apporter une solution concrète dans le secteur du BTP. Nous avons développé avec NGE un liant écologique biosourcé inspiré de la salive des termites pour remplacer la chaux vive dans la stabilisation des sols. Les termites construisent des édifices complexes pouvant atteindre 20 mètres de profondeur, résistants mécaniquement et chimiquement. En étudiant leur salive qui agit comme véritable ciment naturel capable d’agglomérer l’argile, nous sommes parvenus à reproduire synthétiquement sa composition chimique. Les premiers résultats montrent une réduction de 70% de l’empreinte carbone par rapport à la chaux vive. Aujourd’hui, notre expertise s’étend à tous les secteurs : énergie, agro-alimentaire, bâtiment, chimie, santé, biens de consommation, luxe. Le biomimétisme trouve des applications partout où l’innovation est nécessaire.
Comment la plate-forme 3DEXPERIENCE et les outils Dassault Systèmes transforment-ils votre approche du biomimétisme ?
Le cœur de notre métier de “biomiméticiens” ne réside pas seulement dans l’identification de modèles biologiques, mais surtout dans la transposition entre le modèle biologique et le résultat technologique. Ce travail de conception doit être crédible et mesurable. Dans nombre de nos projets, nous utilisons SOLIDWORKS pour la conception et la modélisation, Abaqus pour l’analyse par éléments finis, la mécanique des structures et la mécanique des fluides. Ces outils nous permettent de faire du rétro-engineering biomimétique rigoureux. Sans cette capacité de modélisation et de simulation, nous ne pourrions pas apporter de résultats concrets à nos clients ni les faire progresser vers la maturité technologique. Le choix de Dassault Systèmes s’est imposé pour plusieurs raisons : la familiarité de nos équipes avec ces solutions, pour beaucoup acquise dès leur formation académique, la qualité de l’accompagnement par notre partenaire Visiativ, et la réputation de l’éditeur. La plate-forme 3DEXPERIENCE offre une flexibilité particulièrement adaptée aux start-ups, nous permettant d’optimiser nos ressources de manière variable selon nos projets, avec un accès au calcul haute performance dans le cloud.
Quels défis avez-vous rencontrés en tant que start-up et comment l’accompagnement technologique vous a-t-il aidé ?
Les débuts ont été ardus pour deux raisons principales. D’abord, la difficulté classique de tout nouvel entrant : s’imposer dans des domaines industriels sans références établies. Les industriels regardaient avec scepticisme ce jeune entrepreneur isolé prétendant apporter une expertise inédite. Ensuite, le biomimétisme lui-même paraissait incongru pour beaucoup d’industriels. Il n’est pas évident pour un ingénieur aéronautique, par exemple, d’accepter que l’œil d’une libellule puisse l’aider à développer de nouveaux capteurs longue distance. Cette résistance persiste partiellement aujourd’hui et nécessite un travail constant de conviction et d’évangélisation. L’écosystème Dassault Systèmes, auquel nous avons pu accéder grâce au soutien de notre partenaire Visiativ, nous a considérablement aidés. Au-delà des outils performants, nous bénéficions d’un véritable accompagnement : montée en compétences continue, résolution de problématiques techniques, adaptation budgétaire à notre croissance avec des conditions préférentielles au démarrage. Cette approche de partenariat business nous a permis de nous concentrer sur notre cœur de métier.
Quelle est votre vision de l’avenir du biomimétisme et les ambitions de Bioxegy ?
Nous nous sommes imposés comme les experts de référence en France et jouissons d’une excellente réputation internationale, et le potentiel de développement reste immense. Notre stratégie s’articule autour de plusieurs axes : approfondissement et diversification de nos expertises, conquête de nouveaux clients, expansion internationale – notamment en Allemagne où nous sommes accompagnés par BPI France. Parallèlement, nous développons aussi notre propre propriété intellectuelle et nos technologies bio-inspirées internes. L’intelligence artificielle représente un levier majeur pour automatiser certains de nos processus et proposer des services complémentaires, comme des IA bio-inspirées.
Avec 28 collaborateurs aujourd’hui et quatre nouveaux recrutements en cours, nous maintenons une croissance annuelle entre 50 et 70%. Cette dynamique témoigne de la maturité croissante du marché et de la reconnaissance progressive du biomimétisme comme source d’innovation majeure pour les défis industriels du XXIe siècle. Le biomimétisme n’est plus une curiosité scientifique : c’est un outil industriel concret qui recèle le potentiel de répondre aux enjeux de décarbonation, d’efficacité énergétique et d’innovation durable. Bioxegy ambitionne de poursuivre cette démocratisation en France et à l’international.