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Design & SimulationSeptember 21, 2023

« Ouvrir une fenêtre sur l’autre »

Mars 2020. Coups de massue. Le premier vient par le confinement. Le second, c’est la contamination de ma grand-mère par la COVID-19. Elle a 88 ans. Me
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Avatar Emmanuel Vanoli

Mars 2020. Coups de massue. Le premier vient par le confinement. Le second, c’est la contamination de ma grand-mère par la COVID-19. Elle a 88 ans.

Me voici donc, ingénieur spécialisé en simulation 3D de flux d’air, bloqué à 1000 kilomètres de ma famille. Le client avec qui je travaille tous les jours est quant à lui fermé.

Le déclic me vient dans la foulée : je dois aider, par tous les moyens. Je découvre rapidement la plateforme d’Open Innovation que Dassault Systèmes a ouverte pour lutter ensemble contre la pandémie : Open COVID-19. En même temps, je contacte la direction de l’hôpital où est soignée ma grand-mère. Comment aider ? Des masques, des protections pour tous les soignants. Évidemment. Grâce à Open COVID-19, je mets en contact des makers de Metz avec la directrice. Des visières sont livrées dans la foulée.

Mais il y a autre chose. Ce virus, il est étrange. Trop de contaminations chez les soignants. Et si ça se transmettait aussi par l’air ?

Je propose à l’hôpital de simuler les flux d’air au sein de l’étage dédié aux personnes atteintes de la COVID-19, qui malheureusement cohabitent avec des résidents plus fragiles. En quelques jours, le nombre de patients testés positif a explosé au point de remplir une aile entière de l’hôpital. A partir d’un simple document au format pdf, nous reconstituons un jumeau numérique du bâtiment et positionnons les systèmes de ventilation. Premiers résultats pas rassurants… L’air circule de la dite « zone COVID » vers l’autre partie de l’étage. Il faut trouver une solution simple, efficace, avec les moyens du bord. On réfléchit. On simule l’ouverture de fenêtres dans des endroits stratégiques. L’air frais entre, bloque les flux naturels de l’étage. Ça marche. Le lendemain, la direction de l’hôpital décide de laisser ouvertes ces fameuses fenêtres.

Quelque chose vient de se passer. On donne accès à des technologies de pointes à des non experts qui, sans le savoir, en ont besoin. Mieux, grâce à la puissance visuelle de la simulation 3D, on se comprend, on explique aisément des phénomènes complexes. On ouvre une fenêtre sur l’autre.

Pas le temps de souffler, on peut aider, on doit aider. Avec l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris, nous mettons en avant les effets de la canicule sur les risques de contamination au sein d’un étage mixte COVID/non COVID. Puis arrive une demande qui va changer ma vie. Celle-ci vient de l’hôpital Bichat, plus précisément du service de réanimation médicale et infectieuse. Avec l’aide de jeunes étudiants de l’École Polytechnique, ils souhaitent comprendre comment les aérosols peuvent être émis et circuler dans leur chambre de réanimation. On est donc en première ligne. Ça tombe bien, nos collègues américains de la R&D SIMULIA ont développé un mannequin virtuel hyper détaillé qui semble-t-il simule parfaitement la toux.

On compare nos résultats avec des essais en laboratoire. Ça corrèle parfaitement. Toujours ce virtuel qui colle au réel. On met ce mannequin virtuel dans un jumeau numérique des chambres de réanimation de Bichat. On regarde et on comprend comment y circulent les aérosols. On trouve que des actions simples, comme changer l’orientation du lit, peuvent grandement améliorer la situation. Je dois présenter cette étude au service de réanimation. En face de moi, il y a des médecins et chefs de service qui ont plus de 30 ans de carrière. Certains sont membres du conseil scientifique du président… J’ai peur. Vont-ils comprendre ce que l’on a fait ? Les phénomènes et enjeux sont très complexe dans une chambre à pression négative.

Pourra-t-on faire passer les bons messages ? Vont-ils tout simplement y voir de la valeur ? Le virtuel confronté directement à la réalité la plus dure de la pandémie. Au moment de commencer la visioconférence, j’entends le haut-parleur dans le service annoncer : « Tous les médecins sont priés de venir en salle de réunion, on présente l’étude de Dassault Systèmes ». On respire un grand coup, on y va.

Miracle, non seulement tout est parfaitement clair pour eux mais c’est une vraie découverte sur la façon dont les flux d’air circulent chez eux. Des hygiénistes et des responsables du bâtiment nous disent que ces simulations confirment ce qu’ils pressentaient depuis des années.

Quelque chose vient de se passer. On connecte des sciences qui ne se parlaient pas, qui ne se connaissaient pas. Les mondes virtuels comme trait d’union entre les savoirs…

Juillet 2020, j’y vais. Ils nous ont invités à participer à la cellule de crise de Bichat. C’est un honneur. Entre temps, nous avons travaillé pour le service des urgences. On va pouvoir mieux comprendre et sécuriser un box de déchocage. D’ailleurs je dois présenter cette étude dans la même journée à tout le service des urgences. Je n’ai plus peur, on démocratise la simulation à toute vitesse. Les frontières s’effacent, des idées nouvelles naissent. Le virtuel au service du réel, au service du citoyen. On m’a invité à visiter le service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital en préparation d’une prochaine étude. Le réel qui rattrape le virtuel…

Il est désormais l’heure de sortir de l’hôpital. Par un jeu de bouche à oreille, la Philharmonie de Paris souhaite aussi bénéficier de notre technologie et expertise. Nous voilà à visiter la grande salle Pierre Boulez afin de comprendre son architecture et sa ventilation unique. Elle est vide, c’est un peu étrange. Pour réaliser ce projet, on a besoin de toutes nos forces vives. Nos experts du secteur de la construction nous aident pour la modélisation 3D de la salle, notre département Public sector nous aide à traiter avec ces nouveaux clients, nos experts communication et rendu réaliste interviennent sur le matériel destiné au grand public. Et bien sûr, nous, l’entité SIMULIA. Les fenêtres s’ouvrent aussi en interne.

On présente nos résultats devant le personnel de la Philharmonie. Trois heures d’échanges passionnants. On vient de dépasser la simple simulation. Il y a quelque chose d’autre.

Comme une conviction profonde que le monde virtuel, notre monde virtuel, vient de trouver sa place dans la société.

Les barrières ont sauté. Je réalise que grâce à nos technologies de pointe, Dassault Systèmes est devenu acteur dans la crise actuelle. Alors que le monde est confiné, nous rencontrons des centaines de personnes de tout horizon. On a une responsabilité, on est une (toute petite) partie de la solution. Comprendre et réduire les risques liés aux aérosols, c’est déjà pas si mal non ?

En parallèle, notre travail avec les hôpitaux continue dans l’ombre. On découvre l’importance du vent et de la météo sur la contamination des surfaces avec l’hôpital Avicenne de Bobigny (décidément toujours une histoire de fenêtres), on aide la Pitié-Salpêtrière à prendre les bonnes mesures pour sécuriser une salle de réveil. Toujours le même sentiment de fierté. On présente nos travaux à la direction de l’AP-HP, en compagnie des médecins qui nous soutiennent et croient en cette collaboration inédite.

Aujourd’hui, on peut clairement affirmer que Dassault Systèmes est une entreprise engagée dans la lutte contre la COVID19. Nous sommes aux côtés des médecins, du secteur de la culture, des élus et plus largement des citoyens. À notre humble niveau, dans les équipes SIMULIA, Nous mettons nos technologies et expertises au service de la société. Je suis persuadé que c’est une nouvelle étape fondamentale que nous avons franchie pour la simulation. Nous avons dépassé le cadre d’un dialogue entre experts pour devenir vecteur d’une solution citoyenne.

C’est la première fois que mes parents comprennent vraiment mon travail, mon métier. Je laisserai le mot de la fin à mes fils : « Papa, tu mets le virus à la poubelle ! »

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